Frais de restaurant : mention du nom de l’invité et pouvoir d’investigation du fisc
Lors d’un contrôle des contributions, de plus en plus de fonctionnaires demandent au contribuable quelles sont les personnes avec lesquelles il est allé déjeuner, lorsqu’il porte les frais de restaurant en charges professionnelles. Cette pratique est-elle répréhensible ?
La conclusion semble évidente : l’art.49 cir/92 exige que le contribuable justifie la réalité et le montant de ses frais professionnels au moyen de documents probants.
Produire une souche tva, un relevé de carte de crédit ou un paiement par Bancontact démontre seulement que la dépense a bien été effectuée par le contribuable.
Mais cela ne prouve nullement que la dépense ait été effectuée dans le cadre de l’activité professionnelle.
Une note de restaurant pour 4 personnes peut très bien concerner une réunion de travail avec des clients, comme un souper en famille, surtout si c’est le week-end où durant les vacances scolaires.
D’où l’exigence de plus en plus régulière de certains fonctionnaires de connaître le nom des personnes qui ont participé au déjeuner.
Jusque-là, pas de problème. L’administration est droite dans ses bottes.
Dans une circulaire du 23.02.1989, c’est à dire une circulaire commentant l’introduction de la limitation de la déduction des frais de restaurant, l’administration écrivait-elle que « les fonctionnaires taxateurs doivent veiller avec tact et souplesse à l'application correcte des nouvelles mesures, en évitant autant que possible tout litige où les intérêts en jeu se révèlent finalement comme étant de peu d'importance. »
Pourtant, dans une circulaire du 26.05.2004, l’administration va plus loin en mentionnant que « En ce qui concerne plus particulièrement les frais de restaurant, le contribuable est tenu d'en démontrer le caractère strictement professionnel et, le cas échéant, de ventiler lesdits frais en fonction de leur caractère privé ou professionnel. »
Elle ne fait que rappeler, par ce commentaire, ce que dit l’art.49 cir/92 en d’autres mots.
Outre l’impact négatif du point de vue commercial que peut avoir ce genre de courrier reçu par un client ou une relation d’affaires, il faut s’interroger sur cette pratique rentre bien dans le cadre des pouvoirs d’investigation de l’administration fiscale.
L’art.335, al.2 cir/92 précise ceci : « Tout agent du Service public fédéral Finances, régulièrement chargé d’effectuer un contrôle ou une enquête, est de plein droit habilité à prendre, rechercher ou recueillir les renseignements adéquats, pertinents et non excessifs, qui contribuent à assurer l’établissement ou le recouvrement de n’importe quel autre impôt établi par l’Etat. »
L’art.335/3 comir/92 ne laisse aucun doute à ce sujet. Toutefois, il résulte du texte de loi et de l’art.335/1 comir/92 que ce pouvoir d’investigation doit être exercé avec pertinence et de manière non excessive, et que le but de cette disposition est de « permettre aux administrations fiscales d'organiser efficacement la lutte contre la fraude fiscale en mettant à leur service commun tous les moyens de recherche mis à la disposition de chacune ».
Il est pourtant manifeste que dans le cas des notes de restaurant portées en frais professionnels, on est fort loin de la fraude fiscale.
Il nous semble donc que sur base de l’art.335 cir/92, le contrôleur des contributions ne dispose pas du droit d’interroger les personnes qui ont participé aux repas portés en déduction au titre de frais professionnels par un autre contribuable.
Source : eNews n°77 du 30/10/2014